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Drosophila suzukii : Enjeux d’un ravageur insidieux

Drosophila suzukii : Enjeux d’un ravageur insidieux

Face à l’implantation récente sur le territoire français de Drosophila suzukii, une espèce de mouche invasive, la filière cerise se trouve confrontée à des défis complexes. Cet article vise à apporter des éléments de compréhension concernant les multiples facettes des enjeux liés à la gestion de ce ravageur, en mettant en lumière les défis biologiques et réglementaires qui caractérisent cette lutte. D’une part, l’absence de prédateurs naturels et de mécanismes de régulation écologique pour cette espèce nouvellement implantée accentue sa prolifération et son impact sur les cultures fruitières, notamment les cerisiers. D’autre part, les producteurs se heurtent à des contraintes réglementaires qui restreignent considérablement l’usage d’insecticides synthétiques, autrefois efficaces contre de tels ravageurs. Ces restrictions, bien que motivées par des préoccupations légitimes de santé publique et de protection environnementale, exacerbent la difficulté de limiter les retombées économiques qui pèsent sur les producteurs.

Drosophila suzukii est une petite mouche invasive originaire d’Asie du Sud-Est qui affecte un large éventail de cultures fruitières (Cerise, fraise, framboise, myrtille…) en France depuis 2010. Cette espèce sévit également sur tous les continents grâce à sa capacité d’adaptation remarquable. En effet, elle peut moduler sa morphologie et son comportement en fonction de la température afin de capter plus ou moins de chaleur issue du rayonnement solaire. Par ailleurs, sa polyphagie lui permet de trouver des ressources toute l’année parmi les plantes sauvages et cultivées. En zones tempérées, Elle passe généralement l’hiver sous formes de pupes de façon à ce que les premiers adultes émergent au printemps.

carte de contamination par la Drosophila suzukii

Distribution de D. suzukii au 23/01/24 (carte interactive disponible sur ce lien : https://gd.eppo.int/taxon/DROSSU/distribution)

Cette mouche représente un défi biologique de taille car, contrairement à d’autres espèces qui pondent dans des fruits mûrs ou abîmés, elle peut pondre dans des fruits sains avant leur maturation. La femelle de cette mouche est équipée d’un ovipositeur spécialisé, lui permettant de pondre dans des fruits fermes. Les fruits infestés deviennent impropres à la commercialisation, causant d’énormes pertes pour les producteurs. De plus, Drosophila suzukii est dotée grande capacité de reproduction et se développe rapidement. Les femelles peuvent pondre jusqu’à 350 œufs au cours de leur vie à raison de plusieurs œufs par fruit. De ce fait, son impact sur les récoltes est colossal. À titre d’exemple, aux États-Unis, on estime que 80% de la production nationale (de cerise ?) est touchée par la prolifération de Drosophila Suzuki, représentant des pertes annuelles de l’ordre de 500 millions de dollars.

Les cerises en crise : Une filière en péril

Les cerises en crise

La mouche Drosophila suzukii, est le ravageur principal des cultures de cerisiers. En France, sa gestion est devenue une impasse technique pour les cerisiculteurs.

La filière fait face à des restrictions réglementaires croissantes sur l’utilisation de pesticides chimiques et toxiques. Par exemple, des substances comme le diméthoate, autrefois utilisées pour lutter contre ce ravageur, ont été interdites en 2016. La suspension du phosmet en 2022 a exacerbé la situation. Actuellement, le seul produit efficace utilisable à titre dérogatoire est l’Exirel, un insecticide à base de cyantraniliprole. Cette dérogation pourrait ne pas être reconduite, privant les producteurs de cerises d’options de lutte efficaces contre la Drosophila Suzukii. Cette situation rend la gestion de ce ravageur extrêmement difficile, d’autant plus que les alternatives biologiques ou moins nocives ne sont pas encore suffisamment développées pour remplacer les méthodes traditionnelles. 

En conséquence, la filière cerise en France se retrouve dans une position délicate, avec des risques accrus de pertes de récoltes et un manque d’options viables pour contrôler ce ravageur clé. Cette situation a suscité un appel urgent, matérialisé par une multitude de projet nationaux, à développer et à adopter des méthodes de biocontrôle et des stratégies de lutte intégrée pour assurer la durabilité de la production de cerises dans le pays.